CHAPITRE TROIS

« Signal général de l'amiral, commandant. "Préparation BakerGolf-sept-neuf". »

Sans quitter son écran des yeux, Honor hocha la tête pour indiquer qu'elle avait entendu le message du lieutenant Webster. Elle attendait le signal depuis l'instant où les Agresseurs de l'amiral d'Orville s'étaient placés sur leur vecteur d'approche finale, et sept-neuf était, dans un sens tout à fait concret, sa création à elle. Le chef des opérations de l'amiral Hemphill ne partagerait sûrement pas ce point de vue, mais le capitaine de vaisseau Grimaldi, le chef d'état-major d'Hemphill, avait compris ce que mijotait Honor et soutenu ses allusions et ses suggestions respectueuses avec une surprenante subtilité. Il lui avait même adressé un grand sourire d'approbation après l'ultime briefing des commandants, ce qui avait conduit Honor à reconsidérer de fond en comble ce qu'elle pensait de lui malgré sa position dans le camp d'Hemphill l'Horrible. Maintenant, il ne fallait pas être un génie pour s'apercevoir qu'aucune approche conventionnelle ne permettrait à un croiseur léger, quel que soit son armement, de survivre assez longtemps pour parvenir à portée d'attaque d'une flotte de guerre hostile.

Il n'existait qu'un nombre limité de possibilités pour un commandant confronté à un engagement en espace normal à l'intérieur de l'hyperlimite d'une étoile. Dissimuler un bâtiment, même de ligne, était relativement simple (à longue distance, en tout cas) : il suffisait de couper ses impulseurs et de le faire passer sous le seuil de sensibilité des détecteurs passifs adverses; mais la propulsion à impulseur ne faisait pas de miracles. Même aux cinq cents gravités et plus que pouvait atteindre un contretorpilleur ou un croiseur léger, il fallait du temps pour générer des modifications de vecteur appréciables, si bien que se cacher en arrêtant la propulsion était d'une utilité réduite : il ne servait à rien de se dissimuler si l'ennemi s'éloignait à cinquante ou soixante pour cent de la vitesse de la lumière, et il était impossible de le faire si on accélérait pour le prendre en chasse.

Tout cela pour dire qu'un amiral ne pouvait dissimuler ses manœuvres à l'adversaire sans risquer la perte de contact. Et, comme le but n'est pas en général de se cacher, il ne lui restait qu'une solution : faire face à l'ennemi dans un affrontement de force brute ou essayer de le berner en lui montrant quelque chose qui n'était pas exactement ce qu'il imaginait. Étant donné le point de vue de l'amiral Hemphill, orienté vers l'armement lourd, Honor avait dû user de tout son talent de persuasion pour insérer quelque astuce dans le plan de bataille, car Lady Sonja Hemphill ne croyait qu'en une tactique : établir une puissance de feu écrasante et frapper jusqu'à ce que ça passe ou que ça casse, système qui avait au moins le mérite de la simplicité.

Sans le soutien de Grimaldi, un petit commandant de rien du tout, même spécialement désigné pour employer l'arme secrète d'Hemphill, n'aurait guère eu de chances de convaincre l'amiral, mais cela n'aurait pas été très grave. L'amiral d'Orville connaissait Hemphill aussi bien que quiconque et il s'attendrait à tout de sa part sauf à la subtilité; si les Défenseurs pouvaient l'induire à mal interpréter ce qu'il voyait, tant mieux; sinon, ils n'y perdraient rien d'essentiel. Rien que l'Intrépide.

C'est ainsi qu'Honor put voir les derniers vaisseaux de la force tactique des Défenseurs arriver vers elle. Seize minutes encore et toute l'escadre la dépasserait, poursuivrait sa route et la laisserait pour ainsi dire toute seule avec son croiseur léger au milieu du chemin des Agresseurs.

L'amiral des verts Sebastian d'Orville observa d'un air sombre son tracé de route à bord du supercuirassé HMS Roi Roger, puis jeta un coup d'œil au visuel. Aux distances qui régnaient en espace profond, les visuels étaient inutilisables pour la coordination des combats, mais ce qu'ils montraient restait tout à fait spectaculaire. Les bâtiments d'Orville filaient presque cent soixante-dix mille kilomètres à la seconde – un tout petit peu moins de 0,57 c – et le champ d'étoiles visible sur les écrans de proue était sensiblement décalé vers le bleu. Mais le Roi Roger filait entre le « toit » et le « plancher » inclinés de ses impulseurs, et une bande d'un mètre d'épaisseur dans laquelle la gravité locale passait de zéro à plus de quatre-vingt-dix-sept mille m/s' avait pour effet d'engluer les photons comme dans un lac de poix et déformait les décharges des armes à énergie les plus puissantes telles de chétives brindilles; aussi une telle bande à gradient décalait-elle considérablement la lumière des étoiles vers le rouge et déplaçait-elle appréciablement leur image sur les visuels directs; cependant, les ordinateurs connaissaient précisément la puissance du champ de gravité, ce qui leur permettait de compenser sans difficulté pour remettre les astres visibles à leur place.

Mais ce qui était possible au bâtiment de guerre générateur ne l'était pas à ses adversaires. Les impulseurs civils créaient une seule bande de contrainte au-dessus et en dessous d'eux-mêmes; les militaires en produisaient une double et, pour faire bonne mesure, fermaient l'espace qui les séparait par un rempart latéral. Les détecteurs ennemis pouvaient analyser la bande externe mais n'obtenaient pas de lecture fiable sur l'interne, raison pour laquelle nul n'était capable de voir quoi que ce soit derrière.

Le chef d'état-major interrompit les réflexions d'Orville; il apportait de nouvelles données du service tactique. « L'amiral Hemphill continue de décélérer régulièrement, amiral. Nous devrions entrer à portée de missile dans vingt minutes.

  Quoi de neuf sur l'escadre qu'elle a détachée ?

  Nous avons obtenu une bonne transversale sur leurs communications il y a une douzaine de minutes, amiral. Ils sont au diable et ils se dirigent vers l'intérieur du système. »

Le ton parfaitement neutre du capitaine Lewis criait presque son mépris pour leurs adversaires et d'Orville dissimula un sourire complice. Sonja tirerait une sale tête lorsqu'ils l'auraient ramenée à grands coups de pompe dans le fondement jusqu'à la capitale, et c'est exactement ce qui allait se passer si elle tentait une bataille rangée sans ces cuirassés absents. Elle aurait dû continuer à se déplacer en attendant qu'ils la rejoignent au lieu de provoquer l'adversaire aussi prématurément, mais au moins leur absence expliquait sa course. Elle se trouvait très à l'écart d'un trajet direct vers les planètes qu'elle était censée défendre, pour la simple raison que c'était le chemin le plus court pour rejoindre les navires qu'elle avait oublié d'inviter à la danse, et d'Orville avait fort envie de foncer droit sur l'objectif sans s'occuper d'elle. Quelle satisfaction d'« atomiser » Manticore sans laisser à Sonja le loisir de tirer un seul coup pour la défendre ! Mais son but assigné était de s'emparer de la planète capitale, pas seulement de l'attaquer; en outre, aucun tacticien digne de ses galons ne laisserait passer l'occasion de pulvériser les deux tiers des forces ennemies. Surtout dans une de ces rares circonstances où l'adversaire ne pouvait se dégager sans exposer un objectif qu'il devait à tout prix protéger.

» Notre déploiement est achevé ? demanda-t-il.

  Oui, amiral. Les éclaireurs finissent à l'instant de se retirer derrière le rempart.

  Très bien. »

D'Orville jeta un coup d'œil dans l'immense cuve tactique et vérifia par pur réflexe l'exactitude du rapport de Lewis. Ses bâtiments de ligne s'étaient disposés en « mur de combat », formation traditionnelle d'un navire d'épaisseur où les unités se serraient les unes contre les autres, sur les plans longitudinal et vertical, autant que le permettaient leurs bandes gravitiques. Ce n'était pas un arrangement très manœuvrable, mais il autorisait le feu de flanc maximum; et, comme les vaisseaux ne pouvaient pas davantage que l'ennemi tirer au travers des bandes d'impulseur, c'était le seul moyen pratique de combattre.

Encore une fois, il compara le chronomètre et les projections tactiques. Dix-sept minutes avant la zone de portée extrême des missiles.

Les premiers partirent lorsque la distance limite fut dépassée. Ils n'étaient guère nombreux — les chances de coup au but étaient réduites et même un bâtiment de ligne ne pouvait en embarquer un stock inépuisable — mais suffisamment pour empêcher l'ennemi de faire des bêtises. Et pour donner des boutons à un libéral ou un progressiste bon teint, songea Honor en regardant fuser les engins. Chacun de ces projectiles possédait une masse d'un peu moins de soixante-quinze tonnes et coûtait aux environs d'un million de dollars manticoriens, même sans ogive ni assistant de pénétration. Personne ne serait assez fou pour employer des armes capables de toucher et d'abîmer les cibles, mais la Flotte avait résisté inflexiblement à toute pression politique visant à renoncer aux exercices à tir réel. Les simulations sur ordinateur étaient d'un concours inestimable, et tous les officiers et gradés de toutes branches y passaient de longues heures souvent éprouvantes, mais l'épreuve du feu restait le seul moyen de vérifier que le matériel fonctionnait vraiment. Et, coûteux ou non, les exercices à tir réel apprenaient aux servants de missiles des choses qu'aucune simulation ne pouvait leur enseigner.

Mais Honor avait d'autres chats à fouetter. L'amiral d'Orville fonçait sur elle et elle s'inquiétait, car elle n'était pas franchement la meilleure mathématicienne de la Flotte. En dépit des tests d'aptitude qui assuraient régulièrement qu'elle possédait une bosse des maths exceptionnelle, ses notes à l'Académie avaient obstinément refusé de faire honneur à ce potentiel. Par le fait, elle avait bien failli se faire recaler à son examen de maths multidimensionnelles en troisième année et, si sa moyenne générale la classait dans les dix pour cent les meilleurs, elle avait également connu la distinction gênante de finir deux cent trente-septième (sur deux cent quarante et un) en mathématiques.

Ces résultats ne l'avaient guère aidée à prendre confiance en elle — et ils avaient rendu ses instructeurs à moitié fous; les professeurs savaient pertinemment qu'elle était capable de dominer la discipline : tous ses tests d'aptitude le démontraient, ses notes au simulateur tactique crevaient le plafond des graphiques — ce qui n'était pas précisément l'indice d'une sous-douée en mathématiques ! — et celles en manœuvres étaient tout aussi excellentes. Elle possédait un sens kinesthésique aigu, elle était capable de résoudre de tête des problèmes d'interception vectorielle à unités multiples en trois dimensions (du moment qu'elle ne pensait pas à ce qu'elle était en train de faire), mais aucun de ces talents n'apparaissait dans ses notes de mathématiques appliquées. Le seul qui n'avait jamais eu l'air de s'en inquiéter, c'était l'amiral Courvosier — alors capitaine de vaisseau —, et il l'avait harcelée sans merci jusqu'à ce qu'elle eût accepté de croire en elle-même sans s'occuper de ses résultats. Confrontée à une manœuvre en temps et en espace réels, elle réagissait parfaitement, mais elle demeurait une piètre astrogatrice — et elle arrivait à se donner des crises d'angoisse rien qu'en repensant à ses tests de maths. Ce qui expliquait, elle le savait bien, sa présente nervosité, soigneusement dissimulée : elle avait eu amplement le temps d'appréhender les exercices en cours.

Néanmoins, il ne s'agissait pas vraiment d'un problème de navigation en hyperespace, se dit-elle fermement. Quatre simples petites dimensions, pas plus, même Sir Isaac Newton aurait su s'en débrouiller, et elle ne se serait sans doute pas rongé les sangs si elle était tombée dessus à froid. Quand cela se produisait, elle ne s'affolait pas – elle réagissait comme l'amiral Courvosier l'y avait entraînée, en se fiant aux dons auxquels elle n'avait pas complètement accès de façon consciente et qui lui avaient valu un chapelet continu d'« excellent » et d'« exceptionnel » en tactique, à la grande confusion de ses critiques de l'Académie, même les plus ardents.

Mais, en l'occurrence, elle avait eu tout le temps de se tracasser à l'avance et elle avait eu beau se répéter que le seul élément critique était la vitesse d'approche des Agresseurs – ce qui était exact –, elle ne s'en était guère sentie mieux. Néanmoins, le lieutenant de vaisseau Venizelos, son officier tactique, avait calculé les chiffres à cinq reprises, et le capitaine McKeon les avait revérifiés. Et Honor elle-même avait revérifié dix fois les calculs de McKeon en privé, dans ses quartiers. Elle regarda le chrono qui décomptait les ultimes secondes, puis examina ses visuels techniques. Tout était au vert.

« Vous savez, amiral, murmura le capitaine Lewis, il y a quelque chose de bizarre là-dedans.

  Quelque chose de bizarre ? Comment ça ? demanda d'Or-ville d'un ton distrait, occupé à observer les traces des missiles qui s'éloignaient vers le mur de combat d'Hemphill.

  Leur contre-feu est sacrément léger, dit Lewis en étudiant ses propres visuels, les sourcils froncés, et il est complètement éparpillé au lieu de se concentrer.

  Ah? » D'Orville tendit le cou pour étudier les projections de cibles de Tactique et il fronça les sourcils à son tour. Lewis avait raison; Sonja avait une foi absolue dans la concentration du feu – c'était une de ses rares qualités de tacticienne, selon d'Orville – et, eu égard à son désavantage numérique, elle aurait dû mitrailler à tout-va dans l'espoir de quelques coups au but pour réduire l'inégalité du rapport de forces. Mais non. L'amiral prit une expression perplexe.

  Vous êtes sûr de votre relèvement sur ses unités détachées ? demanda-t-il au bout d'un moment.

  C'est la question que je me posais, amiral. Je suis sûr du relèvement, mais si le navire transmetteur était tout seul en réalité ? Croyez-vous qu'elle pourrait nous attirer dans un piège ?

  Je n'en sais rien. » D'Orville se passa la main sur l'angle de la mâchoire et ses sourcils se froncèrent davantage. « Ça ne lui ressemblerait pas, mais Grimaldi pourrait bien lui avoir fait accepter une ruse de ce genre. Ce serait quand même un peu risqué; il faudrait qu'elle maintienne ses unités en chute libre sur le même vecteur de base pour réussir son coup, et notre puissance de feu est supérieure, même si toutes ses forces étaient rassemblées... » Il plissa le front puis soupira. « Prévenez le service tactique de se préparer à un changement de cap radical, à toutes fins utiles.

  Bien, amiral. »

D'un rouge furieux, un code de données clignotait sur l'affichage d'Honor au milieu de l'immense formation des Agresseurs, et elle eut un grand sourire. Elle ignorait si les espions de l'amiral d'Orville (tout à fait officieux et strictement interdits, naturellement) avaient pénétré les écrans de sécurité de l'Intrépide, mais, en tout cas, ceux de l'amiral Hemphill avaient franchi les protections d'Orville. Pas de beaucoup, mais assez pour identifier le vaisseau amiral. Il s'agissait là d'une des grandes faiblesses potentielles de toute manœuvre de la Flotte : chaque camp possédait des renseignements complets sur la signature électronique des unités adverses.

Sur le chrono, le compte à rebours se poursuivait, et Honor leva la tête pour jeter un coup d'œil à McKeon et au lieutenant Venizelos.

« Paré, messieurs », dit-elle.

« Amiral ! Engin non identifié, relèvement... »

L'avertissement affolé du capitaine Lewis arrivait beaucoup trop tard et la distance était beaucoup trop courte pour y changer quoi que ce fût. L'amiral d'Orville eut à peine le temps de commencer à se retourner qu'une lumière rougeoya brutalement sur le panneau principal de contrôle et que les sirènes d'avarie retentirent quand la lance gravifique, à puissance extrêmement réduite, frappa le rempart latéral bâbord du supercuirassé. Le coup était bien trop faible pour causer de réels dégâts au générateur, mais les ordinateurs l'enregistrèrent et affichèrent docilement leur signal de panne... à l'instant où, chose incroyable, une salve de torpilles à énergie, elles aussi à puissance réduite, explosait contre le rempart latéral théoriquement anéanti.

L'amiral se redressa en sursaut dans son fauteuil de commandement tandis que sur l'écran clignotant flamboyait la fureur des torpilles. Puis l'image s'éteignit et le juron étranglé, incrédule d'Orville se répercuta dans la passerelle silencieuse, tandis que tous les systèmes d'armement et de propulsion s'arrêtaient.

« Coup au but, commandant ! » s'exclama Venizelos, et Honor se permit un sourire féroce de triomphe en voyant le vaisseau amiral des Agresseurs se mettre en chute libre. D'autres bâtiments s'écartèrent de la formation pour se placer à distance sûre, mais le Roi Roger était « mort », bloqué par ses propres ordinateurs pour simuler sa destruction totale sous la frappe d'un modeste croiseur léger ! Rien que pour voir ça, il valait presque la peine d'avoir été choisie pour exécuter les basses besognes Hemphill!

Restait néanmoins la question toute secondaire de la survie de l'Intrépide.

« Levez les bandes ! » Le soprano d'Honor était un peu plus aigu que d'habitude, bien que beaucoup plus calme que la voix de son officier tactique, et la réaction de la salle des machines fut instantanée. Le capitaine de corvette Santos attendait l'ordre depuis plus d'une heure; elle ferma le dernier circuit et l'impulseur de l'Intrépide prit vie aussitôt.

  Timonerie, exécutez Sierra cinq !

  Sierra cinq, à vos ordres », répondit l'homme de barre, et l'Intrépide se mit à rouler follement sur ses gyros et ses propulseurs d'attitude. Il bascula sur le flanc par rapport au mur de combat des Agresseurs pour présenter ses bandes gravitiques ventrales à l'instant où se déclenchaient les premières armes à énergie de l'adversaire. Abasourdis, les officiers des systèmes de contrôle de tir déversèrent un déluge de laser et graser sur la minuscule cible soudain apparue sur leurs écrans, mais il était trop tard : les bandes gravitiques dévièrent et fractionnèrent leur feu désormais inoffensif, et Honor sentit un grand sourire détendre ses traits accusés.

  Parfait, monsieur Killian. » Elle se laissa aller à un geste désinvolte en direction du visuel avant. « Par là – à pleine puissance militaire.

  Oui, commandant », répondit l'homme de barre avec un sourire similaire, et le HAIS Intrépide bondit instantanément à une accélération de cinq cent trois gravités standard.

Cinquante ans d'autodiscipline permirent à l'amiral d'Orville de cesser de jurer quand les ordinateurs déverrouillèrent l'affichage tactique de son fauteuil de commandement. Ses systèmes com demeuraient bloqués, l'empêchant d'intervenir, mais au moins il pouvait maintenant voir ce qui se passait. Ce qui ne le consola d'ailleurs nullement : le croiseur léger qui avait « détruit » son vaisseau amiral d'une seule bordée tenait son cap et filait avec une vitesse constamment croissante sur une réciproque directe du vecteur de la flotte de l'Agresseur; son trajet le menait à travers le champ de feu maximum du mur entier, mais ses bandes d'impulsion se riaient des efforts acharnés des bâtiments de ligne; il n'y avait aucun espoir de le rattraper, même à l'aide d'unités légères : elles n'accumuleraient jamais assez de vélocité pour parvenir à son niveau et d'Orville croyait voir le commandant victorieux lui tirer la langue tout en fonçant se mettre à l'abri.

  Vous aviez raison, George, dit-il à Lewis en se tenant à quatre pour maîtriser sa voix. Sonja nous mijotait quelque chose, en effet.

  Oui, amiral », répondit le capitaine à mi-voix. Il quitta son siège pour venir se placer près d'Orville et observer le seul affichage tactique de la passerelle. « Et il reste encore tout ça », dit-il dans un soupir en indiquant le gros de la flotte d'Hemphill; d'Orville fit la grimace.

Le mur de combat des Défenseurs changeait de vecteur; il passa de décélération partielle à maximale et, dans le même temps, la formation tout entière se modifia. Son nouveau cap visait directement la flotte des Agresseurs et l'écart décrut rapidement tandis que les unités de Sonja ralentissaient. La distance était encore trop grande pour qu'elle parvienne à l'idéal classique, croise son « T » et le mitraille à pleines bordées alors que lui-même ne pouvait répliquer que par les armes de proue de ses unités de tête, mais la manœuvre, visiblement préparée et couplée avec la confusion créée par la « destruction » du Roi Roger, était étudiée pour permettre aux unités de tête d'Hemphill de contourner les siennes. Les travers des Défenseurs se mirent à canonner son mur, si l'angle demeurait fermé, il était néanmoins suffisant pour que les missiles franchissent les arcs frontaux béants des bandes gravitiques. Beaucoup se faisaient bloquer par la défense active, mais pas assez, et l'éclat vicieux des signaux de destruction se mit à clignoter à côté des points lumineux de ses unités de tête, cibles exquises et sans protection qui se faisaient écharper, elles aussi, à coups de faisceaux à longue portée.

L'amiral d'Orville serra les poings, puis soupira et, avec un effort, se radossa dans son fauteuil avec un sourire glacial. Sonja allait être impossible dans les mois à venir et il ne pouvait guère le lui reprocher. Peu de vaisseaux Agresseurs se feraient détruire » avant que le mur se reforme et change de cap, mais beaucoup étaient déjà estropiés, assez pour équilibrer les chances... et puis, qui savait quand les « unités détachées » de Sonja allaient apparaître ?

Toute cette opération ne lui ressemblait vraiment pas, mais elle avait bel et bien réussi, et l'amiral Sebastian d'Orville prit note de découvrir qui commandait le croiseur léger. Un capitaine capable de mener à bien cette petite manœuvre, il fallait le garder à et il avait bien l'intention de le lui dire en face.

À condition de se retenir d'étrangler ce sale faux jeton assez longtemps pour le féliciter.

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